Après 18 mois de test, voici le bilan de notre expérimentation pour un équipement allégé des collections.
Contexte :
À la suite du diagnostic énergétique effectué par notre stagiaire Aurore Tessa, nous avons pris conscience que si nous voulions réduire notre impact sur l’environnement, l’un des premiers points sur lesquels nous devions agir était la plastification des documents.
L’apposition systématique d’un film plastique adhésif sur les livres pose en effet plusieurs problèmes : l’utilisation d’un matériau polluant et non recyclable bien-sûr, mais aussi le fait que la couverture du livre ainsi plastifiée empêche de recycler le livre, à moins d’en séparer la couverture avant de l’envoyer vers une filière de recyclage du papier, si on en bénéficie.
Une réflexion sur cette pratique s’est donc vite imposée à nous. Est-il vraiment nécessaire de couvrir TOUS les livres ? D’autant plus dans une bibliothèque comme la Canopée, dont la politique documentaire est axée sur l’actualité, et qui n’a pas toujours vocation à conserver les documents trop longtemps. Nous ne couvrons d’ailleurs plus les périodiques depuis longtemps déjà.
Les livres provenant des commandes passées en commun (passant par le Service de la Documentation et des Échanges) arrivent déjà plastifiés, mais il est possible d’expérimenter le « non-équipement » pour les livres issus de nos commandes directes, qui sont plus nombreux.
Le test :
Nous avons donc décidé de lancer le test sur quelques livres, afin d’étudier leur évolution avant d’en tirer des conclusions applicables à l’ensemble des collections.
Chaque chargé de fonds a choisi au moins deux livres selon des critères portant sur le format (dimensions, couverture rigide ou souple, type de reliure) ainsi que sur le nombre estimé de sorties. Les livres ainsi sélectionnés ont été commandés en double exemplaire : l’un a été plastifié, l’autre non.
Nous avons apposé un logo « En test » sur les livres, et disposé une affiche dans la bibliothèque pour prévenir nos usagers. Aucun retour négatif n’a été signalé.
L’équipe jeunesse a poussé plus loin l’expérience, en proposant au prêt près d’une centaine de livres non plastifiés (tous types confondus).
Le test a démarré en septembre 2020 et s’est terminé en janvier 2022. Il était initialement prévu sur une période d’un an mais les emprunts ayant chuté avec la pandémie, nous avons prolongé de six mois, afin que l’expérience soit plus significative.
Nous avons ensuite pris régulièrement des photos des livres en question pour suivre leur évolution.
Le Bilan :
Les chargés des fonds fictions adulte hors BD (romans, policiers et science-fiction) ont constaté que le livre non plastifié s’était davantage dégradé que son doublon équipé. Le livre est souvent abimé aux coins, la couverture commence à se dédoubler, et la couverture tâchée.





Pour les documentaires adulte et les fonds spécialisés, le test a permis de montrer que la plastification n’était peut-être pas si indispensable, puisqu’il n’y avait pas de différence flagrante entre les deux exemplaires. Soit les deux exemplaires étaient en bon état, soit au contraire ils ont dû être envoyés tous les deux à la reliure.


Pour le fonds spécialisé « Cultures urbaines », le test a été fait sur un grand format et a permis de conclure également qu’il était possible de ne pas plastifier tous les livres de ce type, compte tenu notamment de leur taux de rotation, plus faible.


De même en jeunesse, certains albums cartonnés ont très bien survécu tandis que d’autres sont revenus plus abimés. La plupart des romans ont bien supporté de ne pas être équipés. Les documentaires jeunesse non-équipés étaient également en bon état à l’issue de la période de test, bien que légèrement abîmés aux coins pour certains :



Quelques remarques :
La plastification ne concerne que la couverture et n’empêche pas des dégradations très fréquentes telles que les pages qui se détachent, ou bien les pages déchirées, qui se produisent de toute façon.
Pour chaque fonds, le critère de l’usage associé au livre est également à prendre en compte : un roman est potentiellement plus déplacé, lu dans les transports, tandis qu’un livre de cuisine sera a priori utilisé à la maison.
Pour la suite ?
En section Adulte, il a donc été décidé de poursuivre la plastification des romans, policiers et livres de science-fiction, de l’arrêter totalement pour le fonds spécialisé « Culture numérique » et de l’adapter selon des critères précis pour les autres fonds.
Pour les BD, nous continuerons par exemple de couvrir les séries ou « one shot » à fort taux de rotation, mais arrêterons de couvrir systématiquement les autres.
Pour les documentaires, nous couvrirons environ la moitié des livres issus de commandes directes, en fonction du type de reliure, de l’obsolescence à plus ou moins long terme, et du taux de rotation estimé du document.
Pour le fonds spécialisé « Cultures urbaines », les petits formats seront toujours plastifiés tandis que la moitié des beaux livres et grand format ne le sera plus.
En section jeunesse, les romans ne seront plus couverts, de même que les contes (qui ont un plus faible taux de rotation). Les albums jeunesse pour les tout-petits continueront d’être plastifiés car plus sujets à des dégradations, tandis que certains albums pour les plus grands ne seront plus couverts. Nous poursuivrons l’équipement des BD, qui ont un fort taux de rotation.
Pour réduire réellement les impacts, il est bon de nous fixer des objectifs. Pour chaque fonds, des pourcentages à atteindre vont être fixés, et nous noterons les critères retenus selon la pertinence pour le fonds concerné.
Un exemple du tableau recensant nos objectifs :
Pôle | Fonds | Objectifs | Critères retenus |
Adulte | Documentaires | Ne plus couvrir 50 % des commandes directes | Taux de rotation estimé du document Contenu : obsolescence proche ? État physique du livre |
Jeunesse | Albums | Ne plus couvrir 50% des collections | Ne plus couvrir les contes (taux de rotation plus faible) Ne plus couvrir certains albums pour grands |
Pour les autres supports que le livre, nous n’avions pas expérimenté d’équipement allégé, mais nous avons décidé de ne plus couvrir les digipack, pour les CD jeunesse notamment.
« Tant que le livre reste lisible… » : Et l’avis des usagers ?
Du côté des usagers, nous n’avons pas eu de retours sur ce test. Il serait intéressant de les associer à la réflexion, pour connaître leurs priorités, et ce qui est ou non rédhibitoire pour l’emprunt d’un livre selon eux
Une fois que nous mettrons en circulation davantage de livres non couverts, nous envisageons de réaliser une enquête auprès de nos publics, pour mieux connaître leur avis : sont-ils gênés ou non de ce changement, souhaitent-ils soutenir cette initiative écologique ?
Conclusion
Le test se poursuit donc à grande échelle et nous n’excluons pas les retours en arrière si jamais les livres sont trop abîmés.
Et pour les livres que nous continuerons de couvrir, nous souhaitons tester des méthodes plus écologiques, comme la machine Colibri. Affaire à suivre… !
Bonjour, nous commençons actuellement sur notre réseau un test d’équipement avec la machine Colibri. Serait-il possible, svp, d’avoir un retour plus détaillé de votre expérience ainsi que vos conclusions par écrit ou par échange téléphonique? Cela nous serait très précieux.
Merci pour votre article.
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Bonjour Fanny, nous n’utilisons pas encore la machine Colibri, mais nous pouvons vous adresser par mail nos tests sur l’équipement allégé. Vous pouvez nous envoyer un petit mail à mediatheque.canopee@paris.fr ou nous communiquer le votre. Merci pour votre retour.
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Bonjour, merci pour votre retour d’expérience. Nous nous posons la question également, depuis quelques temps, sur l’utilité d’équiper tous les documents. Est-il possible d’avoir un pdf contenant la totalité de l’expérience ainsi que vos conclusion, pour alimenter nos réflexions ?
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Bonjour Julien, on peut vous l’envoyer bien sûr. Soit vous nous donnez directement votre email, soit vous pouvez nous adresser votre demande à : mediatheque.canopee@paris.fr
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Merci beaucoup, si vous pouviez me l’envoyer à j.huet@agglo-casa.fr
C’est très gentil à vous
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C’est comme si c’était fait 🙂
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Bonjour, c’est intéressant le plastique de protection recyclable mais est-ce qu’au moment du traitement des déchets, c’est pris en compte ?
Ce que je veux dire c’est que si la société qui récupère les poubelles ne sait pas que ce plastique là en particulier est recyclable contrairement à tous les autres, est-ce qu’il ne va pas le traiter avec les choses non recyclables ?
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Bonsoir Fabien, selon Colibri, la meilleure solution est de déposer les couvertures usagées et chutes de plastiques dans la poubelle recyclage plastique. Elles pourront ensuite être facilement retraitées (pas de coll, adhésif sur les couvertures…)
La société Colibri avait imaginé organiser une collecte des chutes et couvertures mais le bilan carbone n’était pas bon lié au transport des déchets…
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Bonjour,
Merci de ce retour détaillé.
N’hésitez pas à envisager aussi la pose de protèges coiffes et protèges coins en polyester ou toile. Ce sont les parties les plus fragiles et c’est une bonne alternative à une plastification adhésive ou en complément d’une pochette non adhésive.
À bientôt !
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Bonjour,
Merci pour ce retour d’expérience très intéressant. Vous évoquez à la fin de votre article la méthode Colibri, en quoi est t-elle plus écologique ?
Cordialement
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Bonjour Lucie,
Les couvertures de protection de livres Colibri sont élaborées en polyéthylène basse densité. Elles sont recyclables contrairement à la plupart des films adhésifs que nous utilisons généralement en bibliothèque. De plus, elles sont amovibles, ce qui permet de les retirer afin de recycler d’une part le livre (si l’on dispose d’une filière de recyclage papier) et d’autre part la couverture.
Pour plus d’informations : https://www.colibrifrance.fr/Couvertures-de-livres_a28.html
Cordialement.
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Bonjour,
Merci pour cet article. Nous partageons les mêmes interrogations dans notre réseau. Avez-vous eu connaissance d’un produit développé par Filmolux ? leur film plastique Soft Organic est un plastique recyclage, fabriqué à partir de canne à sucre. Par contre, il est moins économique. Nous allons aussi le tester.
Cordialement
Emilie REIX
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Bonjour, merci pour votre retour 🙂
Concernant le Soft Organic, il semblerait qu’il soit fabriqué à partir de canne à sucre BRASKEM du Brésil. Côté bilan carbone nous ne trouvons pas cette solution satisfaisante, mais nous attendons vos retours avec impatience. Affaire à suivre donc…
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Bonjour, de surcroît concernant le produit Filmolux, l’approvisionnement semble désormais compromis étant donné qu’avec la hausse du prix du baril, le dérivé de canne à sucre est devenu très attractif pour les industriels et que la plastification en bibliothèque n’est désormais plus le secteur privilégié par les producteurs de la matière brute…. Sans compter le bilan carbone aussi bien évidemment !
Merci à la Canopée pour le retour d’expérience en tout cas.
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