Tout a commencé quand la crise sanitaire liée à la Covid-19 nous a privé-es de contacts humains. Élisabeth, bibliothécaire et afficionado de documentaires, visionne sur Arte « Le pouvoir des caresses, le toucher un contact vital », réalisé par Dorothée Kaden. Elle en parle à ses collègues de la Canopée, dont certains le visionnent avec beaucoup d’intérêt.
Il est alors devenu indéniable qu’il fallait partager notre enthousiasme pour ce contenu. La décision était prise : en octobre, à l’occasion de la fête de la science 2021, nous proposerions la projection de ce documentaire, suivi d’un échange avec le public, une manière d’aborder avec nos usagers ce qui nous avait tant fait défaut durant la crise sanitaire et les distanciations sociales imposées. Hélas, ce documentaire n’était pas accessible pour nos collègues sourds, ni pour nos usagers sourds. Les sous-titres n’étaient pas fournis par la société de post-production. C’est le cas malheureusement pour beaucoup de films documentaires. Il nous était donc impossible de projeter ce documentaire sans le rendre accessible au plus grand nombre. Mais alors, comment faire ?
Tout simplement en se renseignant sur les logiciels capables de compenser ce manque ! Nous voulions un outil de sous-titrage professionnel incluant toutes les fonctionnalités utiles : pouvoir changer la taille et les types de polices, mais aussi la disposition du sous-titrage sur l’image et la synchronisation texte et son. Il existe en effet une une nomenclature officielle pour les sous-titrages que nous voulions respecter à la lettre ! (code couleurs, nombre de caractères par ligne en concordance avec la vitesse de lecture, par exemple). La plus grande difficulté, quand on se lance dans le sous-titrage, est d’adapter le discours des voix au nombre de caractères qu’il est possible d’écrire par ligne sans que cela ne devienne inconfortable pour les yeux et la compréhension, tout en restant au plus près du sens et du langage premier pour restituer au mieux ce qui se dit mais aussi ce qui se vit.
Après de nombreux échanges avec les services informatiques de la Ville de Paris, la médiathèque de la Canopée a été mandatée pour tester le logiciel Aegisub choisi parmi une liste autorisée (les services informatiques étant très soucieux de la sécurité informatique du réseau). Nous nous sommes donc familiarisé-es et formé-es en commençant le sous-titrage du documentaire en vue de sa projection à l’automne. La projection a eu lieu le 7 octobre 2021, et de nombreux usagers sourds nous ont complimenté-es sur la qualité de notre sous-titrage « maison ». Ils ont été ravis de pouvoir échanger avec notre invitée Anne Vincent-Buffault, historienne des sensibilités, chercheuse associée au Laboratoire de changement social et politique de l’université de Paris Diderot.

Fort de ce succès, nous avons fait un retour sur notre expérience auprès des services informatiques, qui ont validé ce logiciel. Ils l’ont donc inclus parmi la liste des logiciels professionnels approuvés pour tous les services de la Ville ayant besoin de rendre accessibles leurs supports vidéo.
Depuis, nous continuons sur notre lancée ! En plus de nos autres animations accessibles (heure du conte bilingue, soirée jeux, etc.), nous sommes dorénavant en mesure de proposer des projections de documentaires sous-titrés par nos soins (si les sociétés de post-production ne l’ont pas effectué) et accessibles à tous. Cela représente un investissement important en temps (environ 35 à 40 heures pour un documentaire de 55 min). Toutefois, nous sommes convaincu-es qu’il est nécessaire de tendre autant que possible vers 100 % d’accessibilité et d’inclusion, et accomplir ainsi au mieux à notre mission d’information de tous les publics.

Le 8 décembre 2022, nous avons pu à nouveau proposer la projection d’un documentaire : « Sexe sans consentement » cosigné par Blandine Grosjean et Delphine Dhilly, suivi d’un débat avec deux professionnels du centre de santé sexuelle de Paris Centre, situé à l’Hôtel Dieu. Garance Gribé, sexologue, et Catherine Neveu, cadre de santé, ont pu ainsi répondre aux nombreuses questions du public, sourd et entendant, composé d’une cinquantaine de personnes !
Nous ne sommes pas les seul.es à nous interroger sur l’accessibilité universelle. Régulièrement, des personnes sourdes interpellent les médias (France Télévision ou les chaînes privées) et les plateformes de divertissement (comme Netflix) pour que tous les contenus soient sous-titrés. N’hésitez donc pas à partager cette bonne parole et à vous former !
Bonjour
Je suis une devenue malentendante (très).
On parle de sous-titrage télé – que je ne regarde plus qu’en replay.
Me manquent aussi beaucoup, pour la radio, les émissions de France-Culture. Leurs podcasts ne sont jamais sous-titrés (à ma connaissance) et il ne semble pas que la radio entre dans le champ des obligations en matière d’accessibilité pour les sourds et malentendants qui, en pratique, deviennent privés de ce média.
Certaines stations font un effort : Le site internet de France Info comporte beaucoup d’écrits mais France Culture, pas du tout.
Au niveau des dvd, il m’arrive d’acheter des films (exemple d’un coffret Rohmer) sous-titrés en anglais. Pas le choix. Du coup être sourd, c’est souvent être privé de cinéma français. Je connais bcp mieux le cinéma d’ailleurs grâce à la VOST. Certains Rivette réédités récemment sont sous-titrés, les Godard pas du tout (mais ils n’ont pas fait l’objet de mise à jour). Bref c’est une loterie et le vieux cinéma classique parait mieux accessible que la nouvelle vague (par exemple). Les dvd ont été souvent mis à niveau pour les films plus grand public.
Être sourd, c’est se voir infliger une culture au rabais et devoir sans cesse slalomer entre ce qui est possible et ce qui nous est fermé.
C’est d’autant plus ennuyeux que nous sommes à risque accru de démence et de rétrécissement du cerveau (absence d’activation des zones liées à l’audition). Cf. conférence récente d’une médecin de la Pitié Salpétrière.. Cerveau que nous devons continuer de stimuler en nous soumettant aux sons (avec appareils auditifs) le plus possible.
J’écoute des audiobooks et j’ai aussi le texte sous les yeux pour pouvoir bien suivre, par exemple.
Il ne faut pas s’enfermer dans le silence.
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